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2015- Cinq étapes chinoises

Je tourne, je vire… Mais comment écrire en quelques lignes une visite de l’Empire du Milieu ? Tous les chiffres me tournent la tête ! Grande comme 17 fois la France, la Chine compte 1 milliard 360 millions de chinois et près des trois quarts de la population vit sur le quart du territoire ! Il faut dire que 40 % du pays se situe au dessus de 2 000 m.
Je lis que sur terre une personne sur six est chinoise, enfin… plus chinois que chinoise ! Que malgré l’assouplissement de la politique de l’enfant unique, Pékin échoue à redresser un taux de natalité dangereusement bas ! Du coup la Chine vieillit, vieillit…
En attendant, les vieux encore fringants sont pleinement occupés à visiter leur pays. Des cars entiers vomissent leurs touristes aux guichets de tous les lieux de visite : chapeautés ou derrière un parapluie « drapeauté », sous un mégaphone enroué ou au check point de vérification des papiers !
Ce qui frappe d’abord la touriste que je suis c’est que les idées reçues que j’avais emportées avec moi deviennent vite absurdes et déplacées. Le chinois ne crache pas toutes les 5 secondes même si l’on entend souvent des bruits de ramonage nasal douteux ! L’homme chinois n’est pas forcément un gros lourd qui parle bruyamment même si les codes de galanterie sont quelquefois aléatoires ! Pékin ne sent pas la pisse même si chaque rue possède des toilettes tous les 200 m !

Alors pour toute histoire il faut tirer la première ficelle. Il faut choisir entre le récit du déroulé du voyage, l’intérêt croissant des sites, l’interprétation des signes… Je propose un voyage à travers le temps et en plusieurs étapes.
- A Xi’An où Qin Shi Huangdi, Premier Empereur de Chine construit son tombeau peuplé de milliers de soldats grandeur nature, en terre cuite !
- A Pingyao, ville des confins calmes oubliée de la frénésie de la modernité, - A Wuzhen, fondée au IX° siècle et restaurée en ville musée aujourd’hui,
- A Shanghai, où tout ce qui brille est souvent de l’or !
- A Pékin enfin, ville du Nord presque triste, où tout ce qui est chiffré est gigantesque !

Commençons par Xi’An. Tous les matins à une heure de la ville de Xi’An, un paysan rejoint le magasin d’artisanat du site de l’armée enterrée. Depuis les années 80, il signe inlassablement le livre qui retrace l’histoire du site, lui-même acteur incontestable de l’épopée quand en 1974 il creuse un puits et découvre sa première tête en terre cuite. Depuis, les archéologues se régalent. Plusieurs fosses dévoilent un chaos de corps et d’engins guerriers malmenés par des pillages successifs et puis oubliés. Il faut dire que 700 00 hommes ont travaillé pendant 36 ans pour réaliser l’oeuvre d’un tyran mégalomane. La visite est passionnante. Les explications très pédagogiques révèlent le montage subtil des assemblages des corps. Un catalogue de têtes, de corps, de jambes et de bras. Un autre plus précis de moustaches de coiffures et de nez. Mélangez-moi tout ça et le tour est joué, l’armée s’organise silencieuse et ordonnée. Et cerise sur le gâteau, une jolie couche de peintures seyantes : du rouge, du bleu, du vert.

Nous quittons Xi’An avec un train qui s’éloigne à travers de nouveaux quartiers. Succession de villes champignons avec l’émergence répétitive de groupes d’immeubles identiques. Ces tours à 40 ou 50 étages garantissent une longue vie à l’exode rural. On entend souvent en France : « Quand le bâtiment va, tout va ! ». Alors ici, ça doit SUPER aller ! Notre œil de vieil européen peut être choqué par cette profusion de nouvelles constructions, mais la Chine nouvelle s’invente et revendique un modèle d’urbanisation loin des théories et pratiques occidentales. Oubliée par la révolution chinoise, la vieille ville de Pingyao se cache depuis près de 3000 ans derrière 3 kilomètres de murailles. Sa beauté vient d’une richesse bancaire quand elle était au début du XIX° siècle la capitale financière de la Chine. Miraculeusement épargnée par la fureur de modernisation des villages dans les années 80, Pignayo reçoit bon enfant les nombreux touristes qui passent des temples aux boutiques de souvenirs. Certaines vieilles maisons sont réhabilitées en chambres d’hôtes, et l’accueil est exemplaire.

Dans la plaine rizicole sur le Grand Canal au Sud de Shanghai, les visiteurs entrent dans la vieille ville de Wuzhen comme dans un musée : billetterie, entrée payante. Entièrement reconstruite, la ville se laisse découvrir au gré des ruelles, des ponts et des canaux. Une fois la ville assainie de sa vie ordinaire, les maisons traditionnelles ont été reconverties en restaurants ou magasins de souvenirs de belle facture. Pour le décor, certains métiers ont été réinventés, barbier, cordonnier ou chanteuses de bar. Les bateaux sont utilisés en minibus. Seuls les gilets oranges des bateliers dénotent de l’ambiance désuète du site.

Shanghai… Shanghai ville lumière où un vent de liberté souffle indiciblement dans l’air. Cousine de New York et de Paris dans les années 30, le Bund attendra les années 2000 pour se revêtir de paillettes. C’est La ville chinoise la plus occidentale dans son fonctionnement et pour ses quartiers à l’échelle humaine, comme celui de l’ancienne concession française. Accrochée à la rivière Huangpu, la ville met en scène son site grandiose. La promenade permet d’admirer les tours de Pudong, plus hautes les unes que les autres. Et à 435 m de hauteur, la magie s’opère quand la nuit pétille. Séduisante et attirante ville du Sud où les polarités touristiques sont à des années lumières ! La vieille ville chinoise s’articule autour de temples, de rues commerçantes et le très beau jardin Yu où le nom des lieux remplacent les longues explications : Salon de la tendresse, Chambre pour apercevoir la Lune, Pavillon du Regard silencieux… Un taxi nous mène à la gare. Une hôtesse nous attend et nous sautons dans le train qui rejoindra Pékin en moins de 5h00, soit 360 km/h.

Nous voici à Pékin. Le ciel s’est perdu dans un brouillard épais. La ville ne maîtrise plus ses épaisseurs. Je cours acheter des masques ! Il faudra plusieurs jours pour que la ville retrouve ses perspectives. Pékin comme ville vitrine du développement économique c’est :
- près de 20 millions d’habitants - plus de 1500 kilomètres de lignes de métro
- bientôt 7 périphériques
- et une place centrale de 40 hectares bien gardée.
Mao sur Tian’Anmen peut dormir tranquille. Fouille, police en uniforme, police en civil, militaires et au cas où, des caméras de surveillance ! La visite de la Cité interdite est incontournable, mais l’ancienne résidence de l’empereur est devenue une magnifique boîte vide. L’espace a perdu son sens. Devenu ville fantôme, l’immense Palais devient triste au gré des allées et venues inconvenantes des visiteurs. Seuls les derniers lions gardent en secret les déambulations vélocipédique du dernier empereur. Au Nord Ouest de la ville, le Palais d’été rivalise d’élégance avec la Cité. Le temple du Ciel sert de décor aux pimpantes jeunes chinoises. Elégance et féminité reviennent et pas une chinoise ne s’habille aujourd’hui en costume Mao ! La génération des plus de 50 ans a été sacrifiée dans sa féminité. Interdictions déclinées à l’infini : robes, chaussures à talons, maquillage, lecture romantique, danses de salon et j’en passe…
Au cœur de la ville, les hutong sont devenus célèbres quand ils ont commencé à disparaître. En 2008, Pékin devient le centre du monde en accueillant les jeux olympiques et on rase pour mieux reconstruire. Ces vieilles maisons spartiates, rarement surélevées et regroupées autour de cours intérieures ne correspondent plus à l’image moderne de la ville. On veut du haut et du qui brille. Devant le tollé international, certains hutong sont reconstruits à l’identique, enfin plutôt sur une idée de l’identique !

Quitter la Chine sans un saut à la Muraille de Chine serait impardonnable. Alors, sur les conseils de Michèle, nous nous rendons à Badaling. Pour 70 kms, il faut compter une heure de métro et une heure et quart de bus. Christian nous avait promis un téléphérique… nous voici installés dans de vieux bobsleighs ! Improbable, mais l’arrivée au sommet valait vraiment le déplacement : ça monte, ça descend, ça glisse… Tous les chinois sont tous là, comme partout où il y a quelque chose à voir ! Mais maintenant, on s’en fiche, on a pris l’habitude, on s’attacherait même… Il faut dire qu’ils sont tellement nombreux ! 

Véronique Gauthier
30 novembre 2015